Président du Conseil Départemental de la Côte-d’Or et de Départements de France, François Sauvadet observe simultanément les réalités du terrain et les fragilités nationales. Alors que de nombreux Départements basculent dans le rouge et que les investissements publics ralentissent, il alerte sur l’état de santé d’un modèle et plaide pour une reconnaissance pleine du rôle des Départements dans la cohésion du pays. Au lendemain du 94e Congrès des Assises des Départements de France, qui s’est tenu dans le Tarn du 12 au 14 novembre 2025, François Sauvadet a accepté de répondre à nos questions.
Décideur. Comment conciliez-vous vos responsabilités de Président de la Côte-d’Or et celles de Président de Départements de France ?
François Sauvadet. C’est une double responsabilité mais surtout une formidable complémentarité. Être Président du Département de la Côte-d’Or me permet d’être chaque jour au contact de nos habitants, de nos communes, des réalités humaines et territoriales. Être Président de Départements de France, c’est porter cette expérience locale au niveau national pour défendre l’ensemble des 104 Départements, et rappeler qu’ils ne sont pas les sous-traitants de l’État, mais des acteurs essentiels de la solidarité et de la cohésion du pays.
Les Départements alertent depuis plusieurs années sur la dégradation de leur situation financière. Cette année, près de soixante seraient en difficulté, contre quatorze seulement il y a deux ans. Que révèle cette accélération et quelle est votre principale inquiétude ?
LES DÉPARTEMENTS NE SONT PAS LES SOUS-TRAITANTS DE L’ÉTAT, MAIS DES ACTEURS ESSENTIELS DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA COHÉSION DU PAYS.
François Sauvadet
Cela révèle que le modèle actuel n’est plus tenable. En dix ans, la part des dépenses sociales dans nos budgets a bondi de 55 % à 70 %. En trois ans, on nous a imposé 6 milliards de dépenses supplémentaires et dans le même temps nous avons eu un gel de nos dotations et une chute de nos ressources. Les Départements sont laissés bien seuls face aux charges qui nous sont imposées par l’État et qui ne sont pas compensées. Mon inquiétude, et c’est ce qui se produit déjà sur certains territoires, c’est que les Départements soient contraints de faire des coupes sombres et ne soient plus en mesure de répondre présents pour assurer leurs missions de solidarités territoriales.
Vous évoquez souvent l’augmentation des dépenses obligatoires, notamment celles liées aux solidarités. En quoi cette pression budgétaire remet-elle en cause la capacité des Départements à continuer d’investir dans leurs compétences essentielles : routes, collèges, soutien aux communes ?
Nous devons pouvoir continuer à investir pour développer nos territoires, investir pour l’avenir. Sur nos routes, nos ponts, nos collèges, nos SDIS, en soutien à nos communes, à nos associations… Et plus largement sur les projets structurants d’aménagement du territoire. Je rappelle que c’est nous qui avons pris le manche pour assurer le déploiement de la fibre sur 100 % du territoire. Si on veut que les Départements assument leur rôle d’aménageur du territoire, ils doivent retrouver des marges de manœuvre financière pour agir.
Qu’attendiez-vous des Assises des Départements de France qui viennent de s’achever ?
J’attendais surtout de ces Assises qu’elles soient un message fort adressé au Gouvernement et au Parlement. Qu’ils comprennent que nous sommes au bout du système et que l’on va droit dans le mur. Les conséquences de cette situation impacteront directement les Français, car tout cela se traduit déjà concrètement par une chute de 10 % des investissements. Ce que je souhaite, c’est une compensation réelle et intégrale des allocations sociales. Aujourd’hui, l’État ne compense même pas la moitié de toutes les allocations qu’il nous demande de verser et qu’il devrait financer à 100 %. Ce sont plus de 23 milliards d’euros financés par les Départements sur leurs fonds propres !
Les Départements sont aussi confrontés à des défis structurels : quels seront, selon vous, les enjeux prioritaires de la prochaine décennie pour maintenir un développement équilibré et durable ?
En Côte-d’Or, nous avons fait le choix de ne pas renoncer à investir dans l’avenir. Parce que nous devons continuer d’investir pour l’avenir de nos enfants et l’attractivité de notre département. Et puis nous devons faire face à des défis considérables, à commencer par celui du changement climatique, avec l’enjeu de la ressource en eau, celui du numérique et de l’intelligence artificielle. Le Département est là encore aux avant-postes, d’une part avec notre Plan Côte-d’Or Eau 2050 et d’autre part avec la création d’une nouvelle direction du numérique et de l’intelligence artificielle au sein de nos services.

Texte : Alban Salmon / Photographie : Téa Bazdarevic