Pour Décideur, le président de Shop in Dijon, qui représente notamment les commerçants du centre-ville, et le directeur du centre commercial de la Toison d’Or se sont réunis à mi- chemin, devant le tramway qui permet à leurs clients respectifs de profiter facilement des deux sites. La hache de guerre est définitivement enterrée.
L’époque n’est pas si lointaine – après tout, la Toison d’Or fut inaugurée en 1990 – où les commerçants du centre-ville voyaient d’un très mauvais œil – c’est un euphémisme – l’ouverture du centre commercial. Les enseignes de celui-ci, pour leur part, ne jouèrent pas toujours le jeu non plus de la « solidarité » avec leurs consœurs du centre-ville. Eh bien cette époque est révolue. C’est du moins la conviction partagée de Denis Favier et de Slim Keller. « Nous sommes complémentaires, pas rivaux, assurent en chœur les deux hommes. Personne n’a rien à gagner à jouer la concurrence stérile. » Le président de Shop in Dijon et le directeur de la Toison d’Or ne sont pas naïfs pour autant. Ils ne peuvent ignorer que les idées reçues et les rancœurs sont parfois tenaces. Mais ils le constatent : les mentalités évoluent, les comportements des consommateurs aussi.
« Nous sommes complémentaires, pas rivaux. Personne n’a rien à gagner à jouer la concurrence stérile. »
Le tramway a tout changé
Il faut dire que le tramway a tout changé. Mise en service il y a tout juste dix ans, en décembre 2012, la ligne T2 rapproche le cœur de ville de la Toison – ou l’inverse. « En moins de 15 minutes, un client du centre commercial débarque rue des Godrans pour poursuivre son shopping et visiter la ville historique », souligne Denis Favier. Slim Keller le constate : « ses » clients venus de l’extérieur de Dijon sont de plus en plus nombreux à laisser leur voiture sur le parking gratuit du centre commercial, qui joue alors son rôle de parking- relais, et à monter dans le tram pour prolonger le plaisir en ville, dans les rues piétonnes ou à la Cité internationale de la gastronomie et du vin. Ce qui se comprend aisément : l’offre commerciale n’est pas la même, on trouve au centre-ville d’autres enseignes, une autre ambiance liée notamment au fait que 40 % des magasins sont des indépendants, mais aussi des bars, des restaurants plus nombreux et une offre culturelle exclusive. « Cette complémentarité, tout le monde la conçoit très bien aujourd’hui, assure Slim Keller. La direction nationale Département du Leasing d’Unibail-Rodamco-Westfield, quand elle est venue à Dijon en séminaire en 2022, a pris le tram pour visiter Dijon ! » « Certaines enseignes sont présentes sur les deux sites, avec deux boutiques qui fonctionnent très bien, d’autres ne sont implantées qu’au centre-ville ou qu’à la Toison, donc la notion de concurrence commerciale n’a pas de sens, ce n’est pas le sujet« , balaie Denis Favier. Si le tramway relie désormais deux sites commerciaux qui se regardaient jadis en chiens de faïence, un autre facteur a contribué à les rapprocher.
« Sur internet, la consommation est aujourd’hui omnicanale, souligne le président de Shop in Dijon. Nous considérons que le commerce physique et le commerce en ligne sont complémentaires. Nos centres sont des lieux d’échange, d’expériences, de découverte, qui coexistent avec le commerce en ligne. » Slim Keller approuve. Les deux hommes ont d’ailleurs commencé à agir ensemble. Pendant l’été 2022, pour la première fois, Shop in Dijon et Toison d’Or ont coorganisé un jeu concours sur les réseaux sociaux, en partenariat avec l’office de tourisme de Dijon métropole. À gagner : des cartes cadeaux Toison d’Or, des chèques cadeaux centre-ville, des visites touristiques. Un joli package, promu par l’influençeuse Trendy Dianou – 17 500 followers sur Instagram –, qui raconte son shopping entre le centre-ville et le centre commercial. L’opération reviendra en 2023.
Plus de dimanches ouverts à la Toison ?
La collaboration passe par l’organisation conjointe de job datings ou la participation commune à des événements comme le Téléthon. Elle se joue aussi sur un terrain plus « politique ». « Nous savons que 70 % des achats sur internet se font le dimanche, rappelle Denis Favier. Dans ces conditions, l’autorisation d’ouverture des commerces à Dijon, permise grâce au statut de zone touristique, doit concerner également la Toison d’Or. Nous sommes prêts à nous accorder sur les modalités de ces ouvertures dominicales : pas question d’ouvrir 52 dimanches par an, mais se limiter à cinq dimanches autorisés sur les douze possibles, c’est une solution qui nous pénalise collectivement vis-à-vis du commerce en ligne ouvert sept jours sur sept. » Autrement dit, l’idée selon laquelle il faut limiter le nombre de dimanches ouverts à la Toison à cinq par an ne favorise pas le commerce de centre- ville, selon le président de Shop in Dijon. Tout simplement parce que l’attractivité de la Toison d’Or, dont la zone de chalandise s’étend sur un rayon d’environ 150 kilomètres grâce à plusieurs enseignes locomotives, bénéficie au centre-ville. L’argument fera-t-il mouche ?