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Les écrans de l’aventure : Catherine Destivelle, présidente alpiniste

Légende mondiale de l’escalade, directrice des éditions du Mont-Blanc, Catherine Destivelle préside le jury film du festival international Les Écrans de l’aventure de Dijon. Organisé par La Guilde et la Ville de Dijon, le festival propose 97 événements du 1er au 6 octobre !

Décideur. Vous êtes éditrice. Pourquoi lier littérature et sport ?

Catherine Destivelle. Pour montrer qui sont les alpinistes, l’esprit de ces athlètes et l’histoire de cette pratique. Celle des Polonais par exemple, qui ont été les premiers à gravir la majorité des quatorze sommets de plus de 8 000 mètres. Nos livres aux éditions du Mont-Blanc parlent de motivation, de ce qui se passait dans leur tête dans des contextes politiques et sociologiques particuliers.

Vous avez connu la compétition et les exploits solitaires, comme les ascensions hivernales de l’Eiger, des Grandes Jorasses et du Cervin. Que pouvez-vous nous en dire ?

Chaque génération s’illustre à sa façon. Aujourd’hui, il y a ceux qui enchaînent rapidement les sommets, ceux qui font des premières lointaines de pur alpinisme, et ceux comme Benjamin Védrines qui ouvrent de nouvelles voies dans des massifs inconnus, en battant par exemple des records de vitesse sur des 8 000.

Un message à l’occasion de cette présidence du jury ?

Un festival est l’occasion pour les gens de rêver en s’inspirant de films ou de livres. Sans Heidi ou Belle et Sébastien, je ne serais pas devenue l’alpiniste que je suis. Dormir une nuit dehors à côté de chez soi, c’est encore permis et c’est une petite aventure. Même dans son jardin, c’est déjà un pas vers quelque chose de différent. Les alentours de Dijon sont magnifiques, avec de belles balades à faire dans les vignes et en forêt.

Petite, vous filiez faire de l’escalade dans les Alpes du Sud en faisant croire à vos parents que vous étiez à Fontainebleau…

Mes parents m’ont autorisée à faire le tour de l’Oisan à 13 ou 14 ans, seule et sans téléphone. J’ai trouvé ça génial, ça m’a fait grandir. Je me suis débrouillée avec ma carte, mon sac et dix jours après je les ai appelés pour qu’ils viennent me récupérer dans un village. Mon fils a souhaité vivre des aventures similaires. Je lui ai donné l’autorisation parce que je l’ai vécu. Mes parents étaient ouverts, me faisaient confiance, je me suis construite ainsi. Il faut rendre les enfants responsables, c’est aux parents d’avoir la juste attitude, de tenir un rôle aventurier en donnant l’exemple pour que leurs enfants sortent du cadre. Ils grandiront différemment, deviendront plus innovants et seront des moteurs.

Que pouvez-vous nous dire sur la place des femmes dans le monde de la montagne ?

J’ai eu la chance d’être bien accueillie, on m’a laissée passer en tête quand je voulais mais je dois reconnaître que j’avais un super niveau. Je devenais alpiniste professionnelle et ne voulais pas faire n’importe quoi. Je voulais réaliser des premières tout court, pas des « féminines ». J’ai gravi l’Eiger en hiver, en solitaire, sans repérage. Les hommes qui l’avaient fait avant moi connaissaient la paroi. Moi, non. J’essayais d’avoir des performances à l’égal des meilleurs alpinistes pour être traitée d’égal à égal. De plus en plus présentes, beaucoup me disent rencontrer des difficultés. C’est un problème d’éducation mais elles affirment de plus en plus leur position. J’espère que tout le monde trouvera sa place.

Un mot sur le solo intégral sans corde, que vous avez déjà pratiqué ?

J’ai commencé à 13, 14 ans tellement j’avais envie de grimper ! Rien de difficile, je n’ai jamais été casse-cou. J’ai pris l’habitude de rester concentrée. J’aime avoir de la marge. Pour cette raison, le solo m’a procuré énormément de plaisir. On s’y sent invulnérable.
Comme modèle, évidemment, ce n’est pas terrible, mais les enfants ne sont pas stupides. Ils ont un instinct animal développé et ne vont pas s’exposer s’ils ont peur. Un adulte, si.
Parfois ils ne peuvent pas redescendre. Comme un chat dans un arbre, il faut les aider, c’est tout. J’ai commencé la falaise en Bourgogne. J’étais parisienne, le Club alpin français nous emmenait dans le Saussois, à Surgy… Saffres, ce sont mes premier solos. C’était la grande aventure !

Le climat global, géopolitique comme naturel, connaît de grandes crises. Que peuvent faire les alpinistes ?

La situation est affligeante mais j’ai envie de transmettre de l’optimisme en espérant que nous trouvions des solutions en changeant de mode de vie. Je sais que je me voile la face. Les jeunes sont plus inquiets que nous et il est difficile de les rassurer. Je ne sais pas quelle attitude avoir, on ne peut pas nier que les glaciers fondent et que le réchauffement est là.

Un dernier conseil à nos lecteurs ?

Faites du mieux que vous pouvez ! C’est en tout cas mon credo ! Ajouter sa pierre à l’édifice n’est pas facile alors j’imprime mes livres à côté, à Péronnas. J’essaye d’être attentive en espérant que tout le monde suive.

Crédit photo : Jonas Jacquel

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