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René et la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne

L’escargot de Bourgogne jadis inventé par Lanvin n’est pas mort ! Il est toujours fabriqué à Dijon. René Loquet, fondateur de la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne, entend lui offrir un nouvel avenir, sur le site qui l’a vu naître. Rencontre avec un décideur qui n’a pas froid aux yeux, et qui aime le chocolat.

Cette fois sera-t-elle la bonne ? Feu la chocolaterie de Bourgogne va-t-elle se trouver un nouvel avenir ? Le feuilleton dure depuis des années, marqué à chaque épisode par une déception. On rappellera que l’histoire débute il y a un siècle, en 1921, lorsque Lanvin voit le jour à Dijon, rue Chabot-Charny – soit dit en passant, on n’a guère fêté le centenaire de cette marque qui pourrait légitimement faire la fierté de Dijon. Déménagée boulevard Carnot dans les années 1950 – c’est là que naissent les fameux escargots de Bourgogne –, elle s’implante en zone Cap Nord, le long de la rocade Est, au début des années 1970. Ensuite, rien ne va plus. Le coût des matières premières flambe, le prix du chocolat dans le commerce baisse avec la concurrence grandissante. Effet ciseau fatal. En 1977, Lanvin cède son usine dijonnaise à Rowntree Macintosh, qui y produira sa gamme de confiseries Quality Street. En 1988, Nestlé rachète, pour y fabriquer notamment les barres Lion. On atteint le pic d’activité, avec 500 à 1000 salariés selon les saisons. En 2007, c’est le Suisse Barry Callebaut qui reprend le site vendu par Nestlé, avec un plan social à la clé. Changement de stratégie, le géant décide de céder à un fonds, au prix d’un nouveau plan social en 2015. Reprise à la barre du tribunal de commerce en 2018 par l’Espagnol Lacasa, qui amène un nouveau projet industriel et fait venir René Loquet à la direction. « Quand je suis nommé directeur général de la nouvelle société Cacao de Bourgogne, il reste 65 salariés, on est à zéro euro de chiffre d’affaires et on dispose d’un outil industriel démesuré, sur 56.000 mètres carrés ! »

Le défi de René Loquet

René Loquet relève le défi. Dijonnais d’origine qui a grandi à Beaune, il a fait ses études d’électrotechnique et d’informatique au lycée Eiffel et à l’IUT du Creusot puis de commercial à SB Dijon. Il a travaillé pendant 15 ans au sein du groupe Carrefour avant de préparer (et d’obtenir) un master en stratégie patrimoniale des PME et un executive MBA à l’EM Lyon. Il a en tête de reprendre ou de créer une boîte. Mais saisit finalement l’opportunité que lui offre Lacasa. La stratégie qu’il déploie porte ses fruits, la chocolaterie reprend des couleurs. Mais les confinements successifs auront raison de l’entreprise encore fragile. « Quand les énergies vous coûtent 1,2 million d’euros par an et que les prix sont multipliés par quatre, c’est juste intenable ». La production s’arrête définitivement en avril 2021, la société est liquidée et les murs sont repris en juin 2022.

« Un projet ancré dans son territoire, durable et rentable »

Mais René Loquet, qui accompagne Lacasa dans la fin de l’histoire avec sa société de conseil Helia Consulting, a une idée en tête : pérenniser la production de chocolat, et notamment des fameux escargots de Bourgogne. Il crée la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne, reprend huit des derniers salariés du site et recrée deux emplois pour faire revivre, depuis septembre, le délicieux escargot dijonnais : la production sur une petite ligne « installée actuellement chez un confrère » et la vente dans la boutique, qui a rouvert rue de Cluj et ne désemplit pas – pour la saison des fêtes 2022, pas moins de 30 personnes étaient à l’œuvre sur le site. « Je me souviens que le jour où la boutique a fermé, en septembre 2021, 3000 clients ont fait la queue devant, certains étaient en pleurs. Je ne pouvais pas laisser tomber une histoire pareille ! » Mais pour que ça marche, cette fois, il faut « un projet ancré dans son territoire, durable et rentable, porté par une petite équipe très compétente, mené pas à pas car les investissements à consentir sont très importants ». Qu’on en juge : juste pour relancer la production, René Loquet a engagé 100.000 euros dans l’outil de production. L’étape n°2, en 2023, représentera un demi-million d’euros d’investissement : elle consistera à réimplanter un parc machines neuf dans l’ancien bâtiment dédié à la recherche et au développement, sur 1300 mètres carrés rénovés au total, pour produire une gamme variée de chocolats et de spécialités – pourquoi pas un nougat bourguignon, glisse le dirigeant ? Puis il faudra prévoir deux à trois millions d’euros d’investissement pour aboutir au projet final, avec 40 salariés sur 2000 à 3000 mètres carrés, une production de chocolats maison et à façon. L’immense bâtiment industriel actuellement vide devra, pendant ce temps, se trouver un nouvel avenir ; son destin est entre les mains de son nouveau propriétaire. D’ici là, la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne aura prouvé la crédibilité de son modèle économique, « complètement différent de ce qui exista sur le site » précise René Loquet. Et nous, nous continuerons à nous régaler.

René et la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne
Les fameux « escargots de Bourgogne » inventés par Lanvin, produit emblématique de la Chocolaterie des Ducs de Bourgogne.

Chocolaterie des Ducs de Bourgogne
9, rue de Cluj à Dijon
03 80 62 04 22
www.chocolateriedebourgogne.com

Crédit photo : Jonas Jacquel

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